Nouvelle - Bas les masques à Venise

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par Anne Bouquet
| 10/11/2022
 
Bas les masques à Venise

Non mais pour qui elle se prend cette femme ? Maître Verda, la grande avocate du tout Paris. Elle me plante comme çà, moi qui l’invite en week-end à Venise ! Quand elle m’a défendu lors de mon divorce, elle jouait déjà la carte de l’arrogance. Qui se permet de me parler ainsi ? Personne n’a jamais osé me dire le quart de ce qu’elle m’a balancé en pleine tête ! J’aurais dû me méfier d’elle. Quand je l’ai rencontrée, elle avait déjà ce petit côté supérieur, voire hautain.

-Monsieur Petrari, votre femme demande le divorce pour faute. Le combat va être difficile et le dossier joue contre vous ! m’a-t-elle lancé, de manière froide et cassante, lors de notre premier entretien.

Avec les honoraires que je lui ai laissés, elle peut déjà s’estimer heureuse. Je reconnais, elle m’a évité le pire, mon ex-femme m’accusait d’être un pervers narcissique, qui multipliait les conquêtes et qui l’avait poussée à la dépression. Je ne m’en sors pas trop mal. D’ailleurs, j’avais bien dit à Maître Verda : « vous êtes formidable ! ». Elle avait souri, un brin énigmatique. J’avoue, je lui ai fait du rentre-dedans.  Il faut dire qu’avec ses longs cheveux bruns et son regard de tueuse, je suis tombé raide dingue de cette avocate sans pitié. Une fois le divorce prononcé -car j’ai des principes- je l’ai invitée dans des restaurants clinquants. Elle semblait apprécier. Normal, Maître Verda a des goûts de luxe. Et elle adore les jeux d'argent...

De la poudre aux yeux

Après un mois de liaison torride, j’ai décidé de l’inviter à Venise. Installés à l’Aman Venice, l’un des plus beaux palaces de la cité des amoureux, j’ai voulu lui en jeter plein les yeux. J’avais lu quelque part -cela doit être dans l’un de ces magazines people pour lectrices qui s’ennuient à mourir avec leur mari - que George Clooney s’était marié dans ce palais qui date du XVIème siècle. En parlant de George Clooney, plusieurs personnes m’ont déjà dit que je lui ressemblais. C’est vrai, je l’avoue, je suis un beau mec. J’ai la classe, paraît-il. La beauté, vous savez, cela se cultive. J’ai laissé un paquet d’argent chez mon médecin esthétique : greffe capillaire, injection d’acide hyaluronique… Je suis un homme qui se remarque. Et j’aime qu’on me regarde. Je ne peux pas le nier. Mais je me perds… Maitre Verda, de son prénom Vanessa, à peine arrivée dans notre suite « fantastique », a voulu profiter de la superbe piscine de l’hôtel casino. Il a suffi une seconde, durant laquelle j’aurais soi-disant regardé avec insistance une belle Italienne, pour que Maître Verda monte le ton et me fasse une scène de jalousie devant les autres clients médusés. Hystérique, elle m’a traité de tous les noms : malade, narcissique, pervers, bof déguisé en Armani, joueur sans cerveau… Je m’arrête là. Les autres insultes, je les garde pour moi. Vous aurez compris, je me suis retrouvé face à une hystérique. Tout le monde nous regardait. J’ai souri. Et je leur ai dit : « ne vous inquiétez pas, cette femme a des soucis psychologiques. Elle est en pleine crise ». J’ai reçu une claque retentissante en retour, par Maître Verda. Je suis resté droit dans mes bottes, stoïque, et je lui ai conseillé de partir. Notre histoire d’amour s’arrêtait là.

Direction : le Casino de Venise

Dans ma suite luxueuse, j’ai enfin pu sortir de mes gonds. J’ai tapé l’oreiller en soie au moins cinquante fois, en traitant cette femme de tous les noms d’oiseaux. Moi un pervers, un narcissique ? Elles commencent toutes à me gonfler avec leurs diagnostics à deux balles, sortis des revues de psycho pour lectrices dépressives.

Je suis un homme équilibré, respectueux des femmes et des gens en général. Je suis un homme bien. Et tout ce que je touche, se transforme en or. J’ai une bonne étoile au-dessus de la tête et personne ne peut me détourner de mon chemin. J’aime bien jouer, c’est vrai. Parfois, je joue avec les sentiments des femmes, ou de mes clients, mais ce n’est pas méchant, et souvent, je joue pour de l'argent réel. Car je dois l’avouer, je suis un habitué des casinos. Mais des casinos de prestige, pas de casinos nichés en province où de pauvres clients pensent pouvoir gagner quelques centaines d’euros. Moi, je joue gros dans des endroits de renom.  Et généralement, cela me réussit. Pour gagner, je vous offre un conseil. Prenez-le, c’est gratuit, car je suis un être généreux : un gagnant doit avoir une stature de vainqueur avant l'heure : Se tenir droit, regarder les gens avec une certaine distance, afin de les déstabiliser, et en dire le moins possible. Dégager une énergie d’invincibilité.  Vous verrez, cela effraie les autres. C’est déjà un premier pas vers la victoire. En parlant de ça, cela me donne envie d’aller jouer. Venise possède trois casinos magnifiques. Au lieu de perdre mon temps, car le temps, c’est de l’argent- je vais aller jouer quelques parties de Blackjack. Au moins, cela me remboursera mes frais d’hôtels et de voyage. Pas question de perdre un seul euro à cause de cette avocate complètement barrée…

Prendre sa revanche au Ca’Vendramin Calergi

L’air est doux à Venise. Quand je vois tous ces couples amoureux, sur les gondoles, main dans la main, je me demande ce qu’ils ont dans la tête. Savent-ils qu’ils vont pratiquement tous finir par divorcer avec perte et fracas ? Ils ont l’air ridicule. Les amoureux m’exaspèrent. Je les trouve has been. Qu’importe, chacun sa route. En arrivant au Casino Ca’Vendramin Calergi, je feins l’indifférence. Mais je vois bien que les femmes me regardent avec un désir à peine dissimulé. Les hommes m’observent aussi, mais je sens chez eux une pointe de jalousie. Je ris intérieurement. Je jubile. Je m’installe à la table de Blackjack. À côté de moi sont assis trois hommes d’un certain âge, et trois femmes qui restent silencieuses. Cette table est réservée aux joueurs fortunés. Je paris. Je sens que mes adversaires restent circonspects face aux sommes que je mets en jeu. Le croupier crie : « Rien ne va plus ». Les paris sont clos… Les minutes passent, la chance ne semble pas vouloir me sourire ce soir… Je ne m’attarde pas sur un échec. Je continue. L’une des femmes de la table me regarde avec dédain. Je lui rends son regard. Je sais, moi aussi, être un homme mesquin. Seconde partie. « Rien ne va plus !». Aucun gain. Cette fameuse adversaire vient de remporter le blackjack. Je suis écœuré, mais je reste placide. Je regarde ma montre, une Rolex, et je fais semblant d’être surpris par le temps qui passe. Je quitte la table de jeu, prétextant un rendez-vous de la plus haute importance. Je ne vais quand même pas rentrer à l’hôtel, même si l’Aman Venice est l’un des palaces les plus côtés de Venise. Je n’ai pas envie de subir les regards moqueurs des clients de l’hôtel, qui ont assisté tout à l'heure, à ma confrontation rocambolesque avec Maître Verda. Je vais aller jouer quelques pièces aux machines à sous... J’observe autour de moi, tous ces gens qui rêvent de décrocher le Jackpot. Ils sont navrants. Le cours de leur vie ne changera pas ce soir. J’ai envie de rire. Mais je continue à porter mon masque. C’est l’une de mes plus belles qualités : ne rien montrer. Je m’installe au bar. J’attends ma commande, l’air absorbé par mes pensées. La femme qui se trouvait à la table du blackjack, vient s’assoir à côté de moi. Je hoche la tête. Elle me sort : « Savez-vous cher Monsieur que ce palais, où nous nous trouvons, a été bâti au XVème siècle ? » Je lui réponds « Oui, Madame, je connais l’histoire de ce palais grandiose ». Et elle continue sur sa lancée : « Ce site prestigieux a reçu de grands hommes. Richard Wagner est même mort ici, en 1883 ». Je fais semblant d’être intéressé par son récit. Wagner, choisir cet antisémite notoire comme exemple, ça en dit long sur la crasse morale de cette femme.  Je bois mon whisky Lascaw 20 ans d’âge. Je commence à être agacé par cette femme et ses histoires dont je me moque éperdument.

Après un long silence, elle ajoute : « Des hommes et des femmes auront marqué cet endroit. Des personnes au cœur ouvert, cher Monsieur. Des personnes qui ont donné aux autres. Des personnes qui avaient ce supplément d’âme, qui fait tant de bien sur terre ». Je la regarde. Elle me transperce du regard. Je lui réponds d’un ton sec et froid :« Bonne soirée Madame ». Et je pars rapidement. Après quelques minutes où je me sens bizarrement accablé, je respire à pleins poumons, en regardant la beauté de Venise. Puis je me mets à penser intérieurement : « Les femmes sont vraiment complètement folles ». Heureusement, il y a le casino. Demain, je prendrai le premier vol pour Paris, et je retrouverai la vie que j’aime, celle d’un homme pressé. Et seul. Mais avant, je miserai tout sur le rouge impair à la roulette. J'ai un bon feeling. Un très bon feeling...

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